L’Évangile a casa 68: Luc 17, 5-10

L’Évangile a casa 68: Luc 17, 5-10

A lire et relire cet évangile, je m’interroge: Ai-je vraiment la foi, du coup? Puis-je croire de déraciner un arbre par ma seule foi??

Et puis, lorsqu’on réussit quelque chose en pastorale, on en est heureux et je n’ai pas tout de suite le réflexe de dire: «Je suis un serviteur inutile»… comme le recommande Jésus.

Et pourtant: deux textes absolument fondamentaux dans tout ministère, apostolat, engagement au nom de sa foi et pour autrui, salarié.e ou bénévole…

Et c’est un jésuite qui a reformulé de manière plus proche de nous (peut-être…) que cette image de déracinement d’un arbre à l’ère du réchauffement climatique… Il a dit: «Tout faire comme si tout dépendait de moi et rien de Dieu, et tout vivre comme si tout dépendait de Dieu et rien de moi.»

Jésus a été actif (guérisons, rencontres inédites outrepassant les règles établies, appel des apôtres, semeur de paroles, paraboles et autres gestes de résurrection…) seulement quelques années. Et il s’est essoufflé parfois: quand cette génération ne comprenait rien, quand des disciples le quittèrent, quand il savait qu’on complotait pour le tuer… MAIS il traçait sa route, fort de son unique intimité avec le Père!

Pour Lui, ce n’est donc pas la quantité mais le choix de paroles et de gestes ciblés auprès d’hommes et de femmes «en périphéries», dirions-nous aujourd’hui, qui a cadencé son ministère qui n’a pas duré des lustres… Sa cohérence a été de ne jamais se trahir, ni Son Père, car mu du même Esprit. Et il lui en a fallu des heures matinales de connivence avec Dieu pour s’enraciner dans la Source-même au cœur de Son cœur. Et ne pas – ou peu – faillir devant l’adversité – «Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné?» est des plus tragiques au dernier râle. Jésus avait agi comme si cela dépendait de Lui… conscient que tout venait et retournait au Père, y compris Lui-même – et vécu puisque tout dépendait du Père et rien de Lui.

Et devant l’adversité, l’inimité, l’hypocrisie, Il n’a pas mâché ses mots: au contraire de ce que l’on voulait bien nous faire croire – que Jésus était gentil! –, Il a révélé le visage de colère d’un Dieu passionné par notre croissance et qui essuyait – et essuie encore – une résistance passive de bien de ses enfants. Et sans lénifier, Il a appelé un chat un chat… conscient que dans le fond, Dieu le Père menait les choses au travers des événements beaux et douloureux qui constituent une vie humaine ordinaire.

Oui, quand on comprend que Dieu est inutile, alors on peut Le choisir vraiment! Quand on expérimente qu’on ne se sert pas de Dieu comme un pis-aller, un blanc-seing, un placebo, un cachet d’aspirine mais bien un compagnon de route, un ami à long terme, alors on peut opter pour lui! Car l’amour, le vrai, est toujours libre et librement choisi!

Thierry Schelling