L’Évangile a casa 70: Luc 18, 1-8

L’Évangile a casa 70: Luc 18, 1-8

Il y a parfois des sauts thématiques dans les évangiles… qui laissent pantois: cette veuve casse-pieds en est une illustration.

Elle demande justice, avec insistance, et commence à ennuyer tellement le juge inique – un juge pas juste… – qu’il va céder pour s’en débarrasser. Un juge qui n’est même pas, même plus, intéressé par … la justice, c’est un comble ! Qui plus est, pour une veuve, c’est-à-dire une femme qui a un statut social précaire… Non, vraiment, ce juge est une antinomie !

Insister lourdement pour la justice, comme ces délégués de peuples opprimés par une dictature qui manifestent sur des places publiques de villes emblématiques… Crier « Justice ! » pour les victimes d’abus de toute sorte, et commis par toute sorte de personnes au pouvoir… On comprend qu’il faille parfois insister, casser les pieds… Femmes, enfants abusés et devenus adultes, gays, minorités ethniques et culturelles, il y a des groupes de la population qui ont raison de protester sans relâche, d’assommer même lourdement l’opinion public pour obtenir justice…

Mais l’évangéliste encadre cette «Bonne Nouvelle» – insister coûte que coûte pour obtenir justice ! – dans le thème… de «prier sans se décourager». Ah bon… A la rigueur, prier pour la justice, ok. Mais «juste» prier Dieu, sous-entendu… quitte à Le souler, à Lui casser les pieds (qu’Il n’a pas d’ailleurs…), étrange rebondissement, je trouve.

Dieu fait justice. C’est donc que Dieu est juste envers nous, Lui le Juste par excellence, par essence. Et Il ne fait attendre personne, au contraire de ce juge «dépourvu de justice».

C’est donc que lorsque je prie, SI je prie justement, c’est-à-dire avec justesse et justice, ALORS Dieu me répond sans attendre… Est-ce que je le crois? Voilà peut-être où l’évangéliste veut en venir: 1.Dieu répond à nos prières SI et QUAND elles sont justes; 2.A moi de voir COMMENT Dieu me répond selon Ses critères de justice et de justesse…

Cela devient plus intéressant, du coup. Il m’est demandé de réfléchir à ce que je prie, comment je le présente à Dieu et peut-être, AVANT de Le bassiner avec mes demandes, de les passer au crible de Sa vision des choses, de Ses critères de justice et de justesse. Et l’évangile médité me distille patiemment cela…

Et ce n’est pas parce que je ne suis pas – ou ne me sens pas – exaucé.e que Dieu est indifférent: Il patiente pour que, au contraire du juge sans foi ni loi, je formule, et reformule encore ma prière en fonction de Ses critères de justice et de justesse… Pour finir, il y a sauts thématiques qui peuvent faire grandir…

Thierry Schelling