L’Évangile a casa 76: Matthieu 3, 1-12

L’Évangile a casa 76: Matthieu 3, 1-12

Désert, sentiers, chameau, sauterelles et miel sauvage… Le décor est planté. Sans oublier le tonitruant «engeance de vipères !» que lance Jean à la foule, curieuse et intéressée…

Et le paradoxe: c’est vers l’eau, la vie, la purification que convergent «beaucoup de pharisiens et de sadducéens», pour se faire baptiser. Comme pour se parer d’une «carapace de défense» face à l’adversité, à la «colère» de Dieu, comme le crie Jean.

«Pharisiens et sadducéens», ceux qui prônent la religion à tout bout de champ mais de deux façons: contextualisée (les premiers) et littérale (les seconds). Donc, des opposants, des adversaires, des ennemis? Les voilà rassemblés dans une même crainte: «la colère de Dieu». Certes, la religion peut servir de «mélangeur» quand les temps sont difficiles ou bien quand la peur tenaille, et quand ce n’est pas elle qui a provoqué le malaise…

Il y a du pharisien et du sadducéen en nous: rigorisme et adaptabilité font parfois bon ménage, quand cela m’arrange… On perd la distance avec le fond du message; notre quotidien nous endort un peu, et on s’agrippe à la forme…

Or, la conversion clamée par Jean est d’un autre ordre: non pas s’enfouir dans le rituel pour se rassurer, mais accueillir la nouveauté dérangeante, l’annonce que ça va faire mal quelque part (nettoyer son aire, pelle à vanner, brûler la paille… toutes des images de destruction), se rendre compte avec nos tripes aussi, que ce Royaume n’est pas de ce monde – comme le sont les religions, créations par trop humaines – mais bien de Dieu-même. Car le Royaume, c’est le Christ, Dieu-fait-homme, Jésus de Nazareth, de Bethlehem et de Capharnaüm – et pas de Jérusalem, de la caste des dirigeants, de la bourgeoisie influente et influenceuse. Non. L’opposé même. La venue du Royaume n’est pas l’invention d’une énième religion…

Car ce n’est ni dans le triomphal chœur du Temple, ni au sein de prestigieuses smalas ni à la mode «héros grec» que ce Christ, l’Oint, le Messie, va naître parmi nous. C’est dehors, au froid, entre paille et ovins, que Jésus va commencer théologiquement son enfance, et son ministère, dans un désert… C’est dans le vide, l’inconnu, voire l’hostile – des épithètes propres au désert pour un non-nomade! – que va sourdre ce Royaume, ce Christ, cette nouvelle façon d’adorer Dieu, de parler de Dieu, de vivre sa foi, qui sera le contraire de la religion, souvent «dorlotante» et infantilisante et qui rassure faussement… Oui, la venue du Christ est de l’anti-religion, en somme.

En un mot comme en mille, on peut être de confession catholique, protestante ou orthodoxe, sans être de l’esprit du Christ. Et il serait grand temps de se convertir à Son Esprit, à Son mode de dire et de faire, quitte à ce que cela râpe aux encornures… Comment? En laissant Son Esprit planer au-dessus de nos déserts de fausses certitudes («Nous avons Abraham comme père»… vraiment?) Et Le laisser «vanner», «nettoyer», «brûler» l’inutile – ce qui n’est pas chrétien !

Thierry Schelling