L’Évangile a casa 82: Matthieu 5, 13-16

L’Évangile a casa 82: Matthieu 5, 13-16

Sel et lumière ont cela de semblables qu’ils contribuent à mettre autrui en avant: le sel se dissout mais sa présence révèle la saveur d’aliments cuisant ensemble; la lumière littéralement éclaire ce qui se voit mais en elle-même, ne se voit pas.

Et voilà que ces métaphores sont l’exacte description de notre vocation: nous, la foule des baptisé.e.s qui écoutons le Seigneur nous parler (c’est la tirade de Matthieu commencée dimanche passée avec les Béatitudes, et qui va finir jusqu’au Mercredi des Cendres…).

Nous sommes le sel et la lumière. C’est donc que notre effet se doit de leur ressembler… Dans le fond, la «récompense» des disciples de Jésus, c’est d’avoir pu mettre en avant autrui, en l’écoutant, en dialoguant, en expliquant, en étant là, et une fois la rencontre finie, plus personne ne revient là-dessus, aucun écho, aucun retour… La gratuité, plus forte encore que la générosité…

Cet apostolat n’est pas synonyme de «racolage prosélyte» pour «remplir les églises». Mais c’est fondamentalement la Mission (avec un grand M): de fait, Jésus commence par dire à la foule et ses disciples «qui se sont approchés de lui» qu’ils et elles sont sel et lumière… Seulement en fin d’évangile aurons-nous la harangue à convertir, baptiser et enseigner…

Ou peut-être que c’est l’inverse: en effet, le texte de l’Evangile a été compilé à l’envers de son sens de lecture! Les derniers chapitres autour de la Passion-Résurrection sont plus anciens que les premiers textes… Et donc, «aller convertir, baptiser et enseigner» serait le grand appel à la Mission, qui devrait prendre ensuite la forme de la métaphore du sel et de la lumière…

Oui, des siècles d’évangélisation n’ont pas toujours été réalisés dans le respect des consciences, des cultures, des personnes… Et au vu du rétrécissement opéré dans les chiffres de la pratique sous nos latitudes, cela démontre bien que les moyens étaient erronés…. Non. Il convient maintenant d’évangéliser au sens premier du terme, c’est-à-dire d’être sel et lumière, au service de tout un chacun, sans ambition autre que de disposer autrui et soi-même à ce que l’Esprit qui a relevé Jésus des morts puisse agir dans le cœur, la tête, la vie d’une personne auprès de laquelle nous sommes «missionné.e.s» comme sel de cette terre – en (re)donnant le goût de vivre à qui désespère de ce monde? – et lumière du monde – en mettant en avant combien elle ou il est précieux pour Dieu? Modestie, humilité, disponibilité et liberté… les nouveaux mots d’ordre de la Mission?

Thierry Schelling