L’Évangile a casa 86: Matthieu 17, 1-9

L’Évangile a casa 86: Matthieu 17, 1-9

Il les emmena à l’écart. Jésus a-t-il prévenu Pierre, Jacques et Jean, où ils se rendaient, leur conseillant de prendre telle ou telle barre vitaminée, paire de chaussures ou type de chaussettes? Non. Il les emmena à l’écart sur une haute montagne. C’est tout: fiez-vous à ma parole, à mon élan, à mon timbre de voix…

Abraham (première lecture) lui aussi se déplace, sans trop savoir où aller, mais se fiant à la parole de Dieu: «vers le pays que je te monterai.» Il n’en saura pas plus…

Cheminer en Carême requiert de se laisser déplacer: par la situation du monde un peu mi-figue mi-raisin (réalistement), par la souffrance d’un enfant, par le calvaire d’une femme violée, par la lutte d’un quadragénaire contre son cancer, par l’extrême fatigue de migrant.e.s au bord du gouffre, par la solitude d’une aînée, par… MAIS sans désespérer «comme font les païens», dirait Matthieu. Non. Car en toute expérience humaine, il y a… transfiguration possible!

Certes, plus facile à dire et à vivre quand elles sont heureuses, ces expériences: la complicité entre amoureux, les rires entre ami.e.s, la joie de trouver un emploi ou un appart’, de partir en vacances en famille… Oui, ces expériences nous transfigurent, d’où la gratitude à exprimer à qui nous la procure, et à Dieu qui est source de tout bien. Mais lorsque l’expérience est dure…

Sur la parole du Christ, qui supplée celles de Moïse et d’Elie (représentant les Livres de la Première Alliance, autrement dit l’Ancien Testament, la Loi et les Prophètes), Pierre, Jacques et Jean grimpent, voient le visage du Christ «brillant comme le soleil» et ses vêtements «blancs comme la lumière», et entendent une voix leur dire: «Ecoutez-le». Rivés sur Jésus, ils entendent à l’intérieur d’eux-mêmes la voix de Dieu… et s’entame leur transformation, leur conversion, leur transfiguration…

La clef de la transfiguration, ce n’est pas le changement chromatique, ni l’expérience sensorielle (dans cet évangile, il y est question de la vue, de l’ouïe et du toucher): ça, ce sont les symptômes. C’est la relecture de cette expérience à cause de la parole de Jésus: «Ecoutez-le», et à l’aune de cette Parole…

Oui, au creux de mes faims, de mes manques, de mes doutes, de mes souffrances, tout comme au pic de mes allégresses, de mes joies et de mes jouissances, écouter le Christ (et sa Parole) pour relire ce que je traverse… et ainsi être transfiguré.e à son image et ressemblance…

La montagne, surtout haute, requiert souffle, rythme et persévérance. Trois outils d’une marche tout-à-fait «de Carême»…

Thierry Schelling