L’Évangile a casa 87: Jean 4, 5-42

L’Évangile a casa 87: Jean 4, 5-42

D’ennemis qu’ils étaient, ils devinrent amis. On a dit cela de Pilate le Romain et d’Hérode (cf. Lc 23,12)… comme un premier «miracle» de la Passion de Jésus. Mais dans sa vie active, Jésus a déjà accompli le miracle de rassembler les contraires… «En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains», précise Jean.

Et pourtant. Jésus planté là, seul, à midi, devant cette anonyme Samaritaine, près d’un puits… Un écho à un autre duo, Adam et Eve, mythique et fondateur; ici, une improbable paire qui signifie – nous sommes au début de l’Evangile de Jean! – le chemin que le Christ va emprunter: rassembler les contraires, pacifier les ennemis, regrouper les adversaires, réconcilier les opposants… Vaste programme non pas à son insu mais provoqué (appelé en avant, littéralement) par son propre comportement et ses paroles.

Et là, la Samaritaine et Jésus sont en dialogue, profondément: ça parle de la vie, de religion, de traditions, voire de politique – à l’époque, pas de séparation entre toutes ces catégories… L’échange est tellement minutieusement rapporté qu’il inspire jusqu’à aujourd’hui le dialogue interreligieux dans lequel s’est officiellement lancée l’Eglise catholique à la suite du Concile Vatican II en milieu du XXe siècle. Le «miracle» de la présence rassembleuse de Jésus continue…

Il a soif, elle a de quoi puiser; elle a soif, il a de quoi dessoiffer. Elle est seule, il est accompagné (mais resté seul un instant pendant que ses disciples sont partis à la ville); il est seul assis près de la source, elle draine sa ville. De commun, ils ont la foi en Dieu, que l’on prie «sur la montagne» ou «à Jérusalem»: et Jésus déverrouille la tradition en affirmant que Dieu se célèbre «en esprit et en vérité»… Tout un programme de relecture: est-ce que mon culte à Dieu est «en esprit» – et pas trop en objets, gadgets, statues, preuves, signes, miracles… – et «en vérité»: mais qu’est-ce que la vérité? «Moi, je suis la vérité», affirme Jésus. Alors je passe «ma» religion, «ma» piété, «ma» tradition, «mon» folklore au tamis de l’Evangile, pour évaluer leur teneur…

S’il est une conclusion non hâtive et englobante, c’est bien celle de cet Evangile: «Nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde.» Parole de Samaritains face à ce groupuscule de Juifs que sont Jésus et ses disciples, qui sont tout chamboulés de se rendre compte que pendant avoir été affairé en ville («pour acheter des provisions»), leurs ennemis se sont nourris de la présence de Jésus et professent le nouveau Credo: «Celui-ci qui nous parle est le Sauveur» alors qu’eux pensaient encore se sauver eux-mêmes avec quelque aliment ramené du marché…

Thierry Schelling