L’Évangile a casa 88: Jean 9, 1-41

L’Évangile a casa 88: Jean 9, 1-41

Une longue histoire… pour y voir clair. Cet aveugle-né qui voit verra que sont aveugles ceux qui pensaient voir…

La religion, le désir de pureté, voire de sainteté ou de perfection, peuvent littéralement aveugler un.e. croyant.e en route vers son Dieu. Et passer outre les éclairs de génie de Dieu dans son quotidien, qui, pour nous chrétiennes et chrétiens, passent toujours par l’humain, le prochain, la femme ou l’homme à côté de moi.

Quand on pense maîtriser sa religion, et que l’on voit que Dieu fait autrement, hors frontières, hors attente, hors permission, alors on est scandalisé parce que dérouté. Dieu déroute, puisque Dieu donne la vue aux aveugles, fait marcher les boiteux, entendre les sourds. Des expressions qui jaillissent discrètement dans les évangiles, comme pour dire que même si on Le suit tout comme il faut, Il va nous désorienter, déplacer. D’ailleurs, dans cette longue péricope de ce dimanche, il y a de nombreux mouvements: Jésus, l’aveuglé guéri, les parents du concerné, les pharisiens, les juifs… Oui, Dieu, quand Il s’en mêle, fait bouger les foules autant que les individus…

Le point litigieux, semble-t-il, est résumé dans la question suivante: «Comment un homme pécheur peut-il accomplir des signes pareils?» Indirectement, Jean nous dit que Jésus est donc un homme saint. Qui plus est, le Christ. Et qu’il y a des risques à Le suivre: être expulsé de la synagogue, c’est-à-dire de sa communauté de vie, être passé au crible du tribunal du comment et du pourquoi…

D’ailleurs, ragaillardi, le désormais voyant les tance presque: «Vous qui savez tout et tant, vous ne savez pas répondre à vos propres questions…» Et il se transforme même en théologien: «Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce.» Et de conclure: «Si lui n’était pas Dieu, il ne pourrait le faire.» Même le voyant a dû se surprendre lui-même à dire: «cet homme est Dieu»…

C’est que rectifier, épurer, nettoyer sa vision du monde et des autres, y compris de ce «prophète Jésus», peut faire cheminer à rencontrer Dieu-parmi-nous. Dans le fond, c’est sur l’attente de cet ex-aveugle-né que Jésus a pu le faire voir: «Tu le vois, c’est lui qui te parle» – il dit: «je crois, Seigneur !» Et Jean de conclure: «Qui voit ne verra pas, et qui ne voit pas verra.» Humblement, reconnaissons que nos assurances, certitudes, conforts et garde-fous ne sont que des protections de papier devant l’eau jaillissante de l’amour de Jésus qui veut que l’on voit comme Dieu voit, entende comme Dieu entend, aime comme Dieu aime…

Thierry Schelling