Allez à contre-courant ! – Premier dimanche de l’Avent

Allez à contre-courant ! – Premier dimanche de l’Avent

Lc 21, 25-28.34-36

Nous voici le premier dimanche de l’avent. Il serait difficile de l’oublier vu les décorations dans les magasins, les rues et même les branches des arbres. Récemment, je consultais mon agenda de décembre avec mes collègues de l’AGORA (Aumônerie Genevoise Œcuménique auprès des Requérants d’Asile) lors d’une réunion que nous avons tous les jeudis matin. Les semaines étaient déjà bien remplies. L’une de mes collègues s’est alors écrié : « je sais comment ça va se passer. En décembre, j’aurai 1000 choses à faire, je vais courir partout et je ne saurai plus où donner de la tête ».

« J’aurai 1000 choses à faire, je vais courir partout et je ne saurai plus où donner de la tête ».

En lisant les premières paroles de Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui, j’ai pensé à elle.
C’est de nouveau un texte qui n’est pas facile :
Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles.
Sur terre, les nations seront affolées et désemparées
par le fracas de la mer et des flots.
Les hommes mourront de peur
dans l’attente de ce qui doit arriver au monde

Jésus nous parle d’un monde plein de fureur, à la nature déchaînée.
Il nous parle aussi d’hommes figés, tétanisés avant même que les catastrophes n’arrivent.

Combien d’entre nous s’identifie à ces hommes et ces femmes qui sont comme paralysés par l’arrivée de ce mois de décembre et de ce qu’il représente… avant même qu’il n’arrive ! Lumière, festivités, agapes, bruit, agitation, fatigue, stress… Peur de mal faire, peur de trop faire.
Nous sommes partagés entre joie et peur, entre envie de se préparer spirituellement à la fête de noël, de participer à la course de l’escalade, au repas entre collègues, au spectacle organisé par la classe de notre enfant ou de notre petit-enfant, ou encore la nécessité d’assurer des retrouvailles familiales réussie… ou la crainte de se sentir seul. Et nous ne sommes que le 1er décembre, nous n’en sommes qu’au tout début.

Alors, que nous propose Jésus ?
Face à l’affolement, aux beuveries, à l’ivresse et aux soucis de la vie, il nous dit : Redressez vous, relevez la tête, Tenez-vous sur vos gardes, Restez éveillé et priez en tout temps.
Pas d’affolement ! Jésus nous propose d’agir différemment des tendances ou des habitudes, il nous propose d’aller à… contre-courant. Il y a quelques années, le pape François avait déclaré à des jeunes confirmands : « Écoutez bien, les jeunes : aller à contre-courant, cela fait du bien au cœur, mais il nous faut du courage pour aller à contre-courant et le Seigneur nous donne ce courage ! ».

Bien entendu, il s’agit d’aller à contre-courant pour être plus heureux, plus en adéquation avec soi-même, ne pas avoir le sentiment de se laisser embarquer par une tendance qui ne nous convient pas. Il s’agit de refuser les injonctions qui nous entourent, de savoir relever la tête et dire non. Dans le bruit préférez le silence ; face à l’omniprésence des écrans préférez la contemplation si cela vous convient davantage.

Je me suis alors demandée comment moi je pourrai vivre à contre-courant pendant ce temps de l’avent. Je me suis souvenue des paroles de ma collègue et je me suis demandé si justement dans l’agitation ambiante ce ne pouvait pas être… au contraire de ralentir, de prendre du temps. Avoir du temps libre, offrir du temps libre. Tout le monde en a, du temps, mais moi, qu’est-ce que j’en fais ? Qu’en faisons-nous ? Qu’en faites-vous ?

Récemment, je me rendais avec une autre collègue à l’aéroport pour rencontrer deux personnes qui y avaient déposé une demande d’asile. Ils sont alors logé dans un baraquement fermé situé à l’autre bout des pistes. Avec l’un, nous avons discuté de la manière dont il pourrait occuper son temps, ce temps dont il avait en abondance en attendant son audition et la décision du Secrétariat d’Etat aux Migrations. Ce temps dont il ne savait pas quoi faire. Ce mauritanien étant féru de littérature française, nous lui avons offert deux livres pour qu’il occupe… ce temps. En repartant 2 heures plus tard (et sans voire regardé notre montre !), nous nous sommes toutes les deux félicité de ne pas avoir été pressé par un autre rendez-vous ou un engagement tout de suite après. Mais d’avoir eu le temps de lui consacrer du temps.

Je me suis alors dit que pendant ce temps de l’avent, j’allais essayer de laisser du temps libre dans mon agenda, pas pour ne rien faire bien sûr (quoique, pourquoi pas ?) mais pour faire autrement : laisser encore davantage de place à l’imprévu, aux entretiens que des inconnus demandent en passant la porte de l’Agora, aux rencontres dans un café avec celles et ceux que je n’ai pas vu depuis longtemps… Laisser la place à ces temps de prière ou de réflexion qui sont proposées durant cette période de l’avent. Du temps de qualité, pas à la va-vite. Laisser le temps au temps.
Et puis comme le temps, c’est de l’argent, pourquoi ne pas en offrir à Noël ? L’année dernière, ma fille aînée avait offert à son père un bon pour une promenade en montagne, la cadette m’avait invité à une séance au cinéma… et c’est moi qui choisissais le film. Et si j’offrais aussi un bon à Dieu, un bon pour un temps de retraite par exemple, lui et moi. Ou pour une semaine de retraite dans la vie ?

Nous ne partons pas de rien… Saint Paul nous le dit bien lorsqu’il écrit aux Thessaloniciens : vous avez appris de nous comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu ; et c’est ainsi que vous vous conduisez déjà.
Faites donc de nouveaux progrès…

Un nouveau progrès, c’est peut-être d’avoir le courage d’aller à contre-courant et de trouver ce qui va me rendre vraiment heureux pendant ce temps de l‘avent. Heureux avec moi, heureux avec mon prochain et heureux avec Dieu Résister aux injonctions, ou aux pressions de l’extérieur. Se demander si tout cela me correspond vraiment ? Pour moi, c’est ralentir la cadence et privilégier du temps de meilleure qualité. Et vous ?

Virginie Hours