L’Évangile a casa 102: Matthieu 20, 1-16

L’Évangile a casa 102: Matthieu 20, 1-16

Injuste. C’est la première pensée qui peut venir à qui lit cette péricope avec des yeux humains. Et ce n’est pas tout à fait… faux. L’équité, l’exact kif-kif, le respect du salaire pour le temps passé à travailler sont aussi des valeurs-clefs pour un savoir vivre en société. En tous les cas en théorie…

Or, là, nous avons un contre-exemple en quelque sorte. Et c’est bien ainsi. Car Dieu, au travers des Evangiles, dévoile ce contraste, ce paradoxe qui fait qu’Il est Dieu, et que nous sommes invité.e.s, nous aussi, à nous déplacer mentalement, psychologiquement, religieusement. Non pas sur une ligne terrestre du juste compte mais du compte juste…

Les premiers derniers et les derniers premiers sont un (quasi) adage facile à se rappeler, mais pas pour conclure une blague, ou même tenter de déloger le réticent paroissien qui s’assied dans la deuxième moitié de la nef… Non. Il s’agit du modus vivendi, du mode de vivre, de Dieu que seul le Christ pouvait nous dévoiler: Lui, qui est né et mort sur le bois du supplice alors qu’Il était innocent (selon la justice humaine en tous les cas !), est LE premier devenu DERNIER, et le dernier que ses disciples des premiers temps ont compris être, et accueillis comme, le PREMIER.

Oui, innocent au sens de la justice humaine, Jésus a toutefois été coupable d’annoncer un monde renversé: prostituées et publicains précèdent dans le Royaume les bons pharisiens; la Loi est asservie au Messie, et donc devient instrument et non but de la vie religieuse; si nous comptons 1 plus 1 qui font 2, Dieu ignorant l’algèbre, compte sur la capacité (forcément diversifiée) du croyant, de la croyante qui pourront se mettre au service des autres (forcément de façon différente en fonction des dons, du temps à disposition, de l’envie). C’est pour cela que Dieu ne va pas «récompenser» selon notre critère mathématique, mais selon l’ardeur à aimer, servir et louer. Et la surprise peut être de taille: elle se résume bien en «les premiers seront les derniers et les derniers premiers».

Dans la parabole, tous ont répondu oui à l’appel, travaillé au mieux du temps imparti, et fini en même temps l’ouvrage qui leur avait été confié. Oui, chacun mérite salaire, mais selon le cœur à cœur de Dieu – Il apprécie le zèle, l’enthousiasme, l’authenticité du disciple – et non pas selon la mesurette du propriétaire terrien…

Une minute avec Dieu de tout son cœur, de toute son âme, ou une heure au service d’autrui, ou une journée en faisant le et du bien, cela vaut la même «récompense» pour Dieu: Sa joie infinie et Son amour inconditionnel. Là aussi, le «dernier» des cadeaux – joie, amour ne ramènent guère de soupe dans l’assiette ! – devient premier… C’est le Royaume qui s’installe…

Thierry Schelling