Lc 11, 1-13
Parfois, je me demande à quoi ressemblait la vie quotidienne de Marie avec Jésus. Quand ils étaient juste tous les deux à la maison. Quand Jésus était encore un petit garçon. Peut-être qu’il courait pieds nus dans la cour. Peut-être qu’il est tombé, s’est écorché le genou. Et là, Marie ne disait pas : “Seigneur Jésus”, “Fils du Dieu vivant”. Non. Elle disait juste : “Mon Jésus, encore blessé ? Viens, maman va soigner ça.” Comme une maman qui parle à son enfant. Avec tendresse. Avec attention. Avec un amour simple, sans grands mots.
Et moi, quand je dis “Notre Père”… est-ce que je réalise vraiment ce que je dis ? Est-ce que je sens que c’est mon Père ? Mon papa ?
Dieu est un Père. Mon Père. Comme mon papa à la maison, à qui je disais :
“Papa, j’ai pas le temps maintenant…”
“Papa, comprends-moi…”
“Papa, s’il te plaît…”
“Papa, écoute-moi…”
Et Dieu, il attend ça. Il veut que je vienne vers lui comme un enfant vient vers son père. Avec confiance. Avec simplicité. Même avec le bazar dans le cœur. Même avec de la colère, avec de la peine. Mais honnêtement. Parce qu’Il comprend.
Parfois, je me demande si je sais prier.
Il m’arrive de m’asseoir dans une église vide. Silence. Le tabernacle devant moi. On dirait que Dieu ne dit rien. Comme s’Il n’était pas là.
Je dis : “Père, je sais pas quoi dire. Je sais pas comment prier.”
Mais je reste. Et j’essaie. Parce que je crois que ça suffit. Qu’Il comprend. Qu’Il se tait, pas parce qu’Il est absent, mais parce qu’Il écoute.
Et je reviens alors à cette prière que je connais depuis toujours : le “Notre Père”.
Mais j’essaie de la dire autrement. Pas juste avec la tête. Mais avec ma vie, avec mes gestes.
“Notre Père” – alors ce n’est pas juste “moi et Dieu”, mais aussi “moi et les autres”.
Si nous avons un seul Père, alors nous sommes frères et sœurs.
Et moi, qu’est-ce que je pense des autres ? De mes proches, de mon voisin, de mes collègues ?
Est-ce que je les vois comme des enfants de Dieu, eux aussi ?
“Que ton règne vienne” – mais quel règne ? Ce monde, cette terre, c’est aussi son royaume.
Si je prends soin de la planète, même avec de petits gestes – ne pas jeter par terre, planter une fleur, économiser l’eau – c’est aussi une façon de prier.
“Que ta volonté soit faite” – pour moi, c’est la phrase la plus difficile. C’est quoi, ta volonté, Seigneur ? Comment la comprendre ? Comment l’accepter ?
Prier, ce n’est pas juste rester à genoux et attendre un signe. Peut-être que c’est justement se relever, sortir de l’église, et faire quelque chose – pour ma maison, pour un ami, pour ma famille. Ou même pour moi-même.
Peut-être que faire la volonté de Dieu, c’est ça : agir au quotidien. Avec amour, avec attention, avec responsabilité.
Peut-être que quand on dit :“Que ta volonté soit faite” veut dire : “Lève-toi. Va. Fais le bien. Vis avec attention. Aime.”
“Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour” – et moi, je peux partager ce pain. Oui, j’en ai assez. Et ce pain, c’est pas seulement de la nourriture. Ça peut être un sourire, un mot gentil, un petit coup de main. Et si quelqu’un en a besoin, et que je peux le donner – alors pourquoi pas ? C’est aussi une prière.
“Comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés” – là, je le sens vraiment. Je sais très bien à qui je dois pardonner, et qui attend que je le fasse. Là, je peux agir.
Si je prie ces mots, je veux qu’ils soient vrais. Alors j’y vais. Là où j’ai été blessé. J’essaie de pardonner. J’essaie de faire la paix. Ça ne marche pas toujours. Mais j’essaie.
Et ça aussi, c’est une prière.
Parce que le “Notre Père”, ce n’est pas juste un texte. C’est une manière de vivre. Et si je commence à le vivre – même une seule phrase – peut-être que là… je prie pour de vrai.
Wawrzyniec Laurent Ciesielski, co-modérateur des UP Eaux-Vives/Champel et La Seymaz