L’Évangile a casa 169: Lc 14, 25-33

L’Évangile a casa 169: Lc 14, 25-33

Bien réfléchir avant de se décider. Pour Lui !

Voilà, en substance, ce sur quoi Luc demande de cogiter : il ne suffit guère d’être baptisé-communié-confirmé pour être chrétien. En fait, on ne l’est jamais, on le devient de façon… oscillante ! Bons choix, mots, actes – c’est-à-dire en conformité avec l’esprit du Christ – bravo, on est chrétien.ne ! Mauvais choix, mots, actes – c’est-à-dire pas en conformité avec l’esprit du Christ – pas bravo (bouh !), on n’est pas chrétien.ne ! CQFD. Après, une fois baptisé.e, bien sûr, on demeure Réformé ou Catholique…

Suivre le Christ, dans le fond, c’est une tension entre déjà et pas encore – ou pas assez. Déjà avec Lui, et pas encore parfaitement. Quelle joie de savoir cette zone intermédiaire libre de toute contrainte pour s’épanouir en disciple chrétien.ne, dans la créativité et la personnalisation de sa propre vocation. Pour oser. Se tromper. Améliorer. C’est l’école de la vie chrétienne que cette espace de respiration…

Mais le texte liturgique de l’Evangile a changé le verbe « haïr » en « préférer », car les paroles du Christ sont plutôt : « Si quelqu’un ne hait pas son père, sa mère, etc. » Haïr, c’est plus fort, c’est plus net, c’est plus dérangeant. D’autant plus qu’en parlant ainsi, Jésus contredit l’un des commandements : « Tu honoreras ton père et ta mère » ! Il ose ainsi casser – en paroles – le stéréotype sociétal par excellence du devoir filial vis-à-vis des géniteurs. Pour rappeler le défi de l’ordre nouveau dans le cœur de chacun.e : D’abord le Christ, puis les parents, les époux, les enfants, les frères et sœurs… Jusqu’à ajouter « et même sa propre vie ». On ne badine pas avec… la suivance du Christ.

Devenir disciple, vraiment, c’est choisir le Christ comme fondation – l’image de la tour à construire – et comme victoire sur l’ennemi – l’image de la guerre à préparer. Dans les deux cas, il est requis de s’asseoir pour compter, pour voir si, pour calculer juste, afin d’arriver à ses fins – sous peine d’être la risée populaire.

« Qui porte sa croix pour marcher à ma suite peut être mon disciple », en renversant en positif la même phrase de Luc mise au négatif. Voilà qui est dit, et repris par un « qui renonce à tout ce qui lui appartient peut être mon disciple » en conclusion de la péricope. Notez le « peut », et pas un « doit » ou « va » induisant un automatisme…

N’oublions pas que les premiers suiveurs du Christ l’ont entendu dire qu’Il allait renoncer à tout ce qu’Il avait et L’on vu porter sa croix dans Jérusalem et jusqu’au Golgotha. Rien d’allégorique pour eux, pour elles, mais très réel (visuellement), tangible (certains ont tenu le corps mort du Crucifié), audible (entendre encore les cris de douleurs de Jésus).

Et les mêmes L’ont vu, réel (Marie la Magdaléenne en a été convertie !), tangible (Thomas n’y a pas échappé), audible (l’envoi en mission les concernant toutes et tous) – le Ressuscité avait donc dit vrai : Le suivre passe par la mort et la résurrection dans la mesure où Christ a la première place en tout !

Thierry Schelling