Le nouveau Moïse, Jésus, est « mis en scène » très subtilement par le relecteur de la Torah qu’est Matthieu : « Voyant la foule…gravit la montagne…s’assit…enseignait… » Tout comme Moïse au Sinaï.
Sauf que. Au lieu de proférer des commandements, Jésus lance des « Heureux » ! La nouvelle Loi consiste donc à chercher le bonheur, ou plutôt à le recevoir ! Etonnant. Comme si les interdits des 10 Commandements, noués en gerbe par Jésus lui-même dans le SEUL commandement de l’amour de Dieu, du prochain comme soi-même, se transformaient en encouragements à chercher le bonheur !
Et le plus fort, c’est que c’est à partir de situations que d’aucuns qualifieraient de « faibles » que le retournement se fait : pauvreté (de cœur), tristesse (pleurs), douceur, affamé de justice, miséricordieux, pureté de cœur, artisanat de la paix, persécution/insulte/mensonge « à cause de moi »…
Ce n’est plus la prospérité des biens, des fils et de la bonne rumeur à mon égard, qui m’assurent du bonheur. Ce sont les situations où, affaibli par autrui, je me branche sur Dieu, Son Esprit, pour croire au lendemain, entrevoir la lumière qui vient, percevoir l’après, m’investir tout en reconnaissant n’être qu’instrumental, accueillir ce qui est en y cherchant un sens, une direction malgré le heurt causé…
Comme si les expériences du manque que recouvrent les notions de pauvreté, tristesse, douceur, faim de justice, miséricorde, pureté de cœur, artisanat de la paix et persécutions, pouvaient permettre de laisser entrer Dieu au cœur de ces déserts pour le féconder – comme Il a promis d’être « avec nous jusqu’à la fin des temps. » Le vide me permet-il de Le chercher présent, agissant, aimant ? Possible.
Mais en toute liberté : je ne peux pas forcer qui souffre de pauvreté, d’affliction, etc. de croire au lendemain, de « basculer » au « car », à ce qui vient : le royaume, la consolation, la terre, la satiété, la miséricorde, la vision de Dieu, la vocation filiale/sororale, la grande récompense…
Mais je peux témoigner qu’un demain est possible, et que tout, même l’absence, la carence, sont lieux propices de La rencontre avec Celui à qui rien n’est impossible.
Thierry Schelling
