N’y apparaît pas le nom de Jésus. Mais c’est autour de Jean que tourne cette péricope. Qui fait allusion à son cousin en ces termes : « Celui qui vient derrière moi est plus fort que moi » ; « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; et « il brûlera la paille au feu qui ne s’éteint pas. »
Ouf. On a fait le tour de la vision de Jean sur le ministère de Jésus à venir – (presque) tous les verbes sont au futur (ou désignent une intention future). Et l’image du céréalier prédomine : le lexique tourne autour de ce métier. Les outils comme les lieux, ainsi que l’action, servent de références pour illustrer ce que Jésus vient faire sur terre…
Il y est question de vannage, de nettoyage et d’ensilage, ainsi que de brûlage. Jean perçoit l’action « cathartique » – purifiante – de Jésus, tout comme l’eau dont lui-même utilise les pouvoirs de rinçage. Mais en « plus fort ».
Si l’eau est mobile, l’aire à battre le blé est statique ; si l’eau – celle où l’on peut se tremper pour son bain ou son baptême – est douce, la pelle à vanner entraînera le dur battage du blé pour en séparer le grain de la tige qui devient paille, pour ensiler celui-là et brûler celle-ci… Séparation, douloureuse au demeurant et impliquant de la force : un leitmotiv que l’on retrouve régulièrement sous le stylet des évangélistes. Les premières générations de disciples post-Résurrection ont souffert du prix à payer pour rester fidèles au Christ…
Et Jean est là pour avertir, mettre en garde : AT-TEN-TION, ça va faire mal quelque part. Sa rigueur de vie et de style est une ascèse pour endurer, peut-être, l’annonce d’un tel Messie, d’un tel Christ, d’un tel Roi, d’un tel Fils de l’Homme, qui va casser les codes législatifs, retourner le sens des mots et des maux pour en faire des vecteurs d’assainissement pour qui accueille « celui qui vient » en sandales… Oui, un Messie anti-Messie… Il y a de quoi être perdu dans un désert d’incompréhensions et de déceptions.
Crier dans le désert, lieu de conversion par excellence dans la Bible ; crier dans nos déserts : solitude, amertume, convenance, préjugés, suffisance. Où laisser pénétrer « l’Esprit Saint » – le mode que Dieu a trouvé pour s’immiscer dans la plus étroite des fêlures de notre être – et y bouter le feu qui consume sans anéantir, qui brûle sans carboniser, qui chauffe la froidure de l’abattement ou de l’orgueil…
Le Christ est un sacré débroussailleur !
Thierry Schelling
