Es-tu d’accord que je naisse en toi ? – Quatrième dimanche de l’Avent

Es-tu d’accord que je naisse en toi ? – Quatrième dimanche de l’Avent

Lc 1, 39-45

Difficile de parler de la visite de Marie à Elisabeth sans évoquer l’annonce faite à Marie par l’ange Gabriel. Mais tout d’abord et avant d’aller plus loin, peut-être avons-nous besoin de questionner notre capacité à recevoir, encore, ces récits dans l’aujourd’hui de nos vies. En effet, à force de les entendre et de les réentendre, année après année, ne risquons-nous pas d’en perdre quelque peu la saveur et peut-être même la portée ?

Visite d’un ange, annonce au-delà de tout entendement, conceptions aussi étonnantes qu’inattendues; tout cela fait beaucoup, vraiment beaucoup et nous pourrions être tentés d’écouter de loin, d’une oreille un peu distraite, voire de prendre nos distances avec ces “histoires” en les remisant dans les tiroirs de l’enfance. Et pourtant, si ces “histoires” parlaient de moi ? Si cette annonce, cette annonciation, nous était adressée personnellement ? Adressée personnellement pour nous remettre en contact avec ce que Dieu désire faire naître en nous ? Ce que Dieu désire faire naître non seulement dans nos espaces non occupés, encore vierges, mais également dans nos espaces de stérilité, là où nous n’attendons peut-être plus rien ?

Alors n’hésitons pas à lire ces récits, à les entendre et à les réentendre en les inscrivant dans notre temps et dans nos propres histoires; les entendre comme une toute première fois, afin d’en recevoir la prime saveur et afin de nous laisser mettre en mouvement par cette Bonne Nouvelle; par cette Nouveauté qui fait du Bien dans nos Vies.

Et c’est exactement ce que fait Marie. A peine a-t-elle reçu la visite de l’ange Gabriel, qu’elle se met en route, avec empressement, pour aller visiter sa cousine Elisabeth. Marie, la toute jeune fille promise à Joseph, et Elisabeth, la vieille femme qu’on appelait il y a peu la stérile.

Deux femmes dont les existences sont profondément bousculées par l’inattendu et l’inouï de Dieu. Visitation de Marie et Elisabeth : rencontre entre deux femmes qui portent et qui se laissent porter par une Bonne Nouvelle.

Un récit qui fait tout particulièrement écho avec ce que je vivais en prison, comme aumônier, alors que j’étais visitée par un ou une détenu.e et que la rencontre devenait alors visitation; où ensemble, il nous était donné de sentir là où Dieu est entrain de naître en nous, de sentir cette puissance de vie déposée en chacun, en chacune, depuis les origines. Je crois que c’est cela une Visitation : contacter le divin en soi et en l’autre; laisser émerger ce potentiel extraordinaire, ce déjà là du Royaume; accueillir le tressaillement de joie, l’ouverture des coeurs; et entrer dans la reconnaissance et la gratitude envers Dieu et envers ce qu’il a déjà déposé et continuera de déposer en nous.

Une Visitation comme un engendrement mutuel dans la foi, dans la confiance en ce que nous sommes, intensément, profondément, au-delà de tous nos manques et de tous nos accidents de parcours. Cette puissance de vie, toujours en devenir, cette promesse, dont nous sommes toutes et tous les bienheureux dépositaires, nous allons la fêter, la célébrer, dans quelques jours. Un Tout-Petit va venir, pour nous le rappeler, encore et encore.

Un Tout-Petit qui est venu, qui vient et qui n’en aura jamais fini de venir dans nos existences. Pour y déposer son germe d’éternité. Pour élargir nos vies aux dimension de l’Amour, c’est à dire de l’Infini. L’enfant de Lumière, Dieu fait homme, couché sur la paille incertaine d’une mangeoire, nu et fragile, est un mendiant qui nous pose une question :

Estu d’accord que je naisse en toi ? Es-tu d’accord que je fasse oeuvre de naissance, de co-naissance, en toi et avec toi ? Acquiesces-tu à cette vie au goût d’Infini que je désire ardemment déposer en toi ?

La réponse appartient à chacun et à chacune d’entre-nous et, quelle qu’elle soit, elle sera accueillie de manière inconditionnelle par ce Dieu d’amour, avec un respect infini de notre liberté. Une très douce et très lumineuse fête de la Nativité à chacun et à chacune !

Christine Lany Thalmeyr