Faire la volonté de Dieu. En commençant par dire «non, je ne veux pas»… étrange? Ou «pire», en proclamant «oui» puis… en ne faisant pas suivre d’effet concret !
«S’étant repenti, il y alla.» C’est le gond de ce texte à deux pans: il y a le non qui devient oui, et le oui qui devient non. Pire, celui qui dit oui… ment puisqu’il n’y va pas finalement. Alors que celui qui a dit non mais qui y va… va forcément étonner le père en bien. Ah, ces gosses !
Mais loin de faire une analyse à la Dolto sur les caprices et générosités de nos enfants, il s’agit de se poser la question du sens de ce «s’étant repenti, il y alla». Le verbe grec n’est pas celui, habituel et presque solennel (car passé en français d’Eglise), qui donne metanoia (conversion) comme pour le fils prodigue (exemple-type). Non. C’est metamellomai, regretter et changer d’avis. Plus terre à terre, moins lourd quant aux raisons et aux implications. Le premier fils a d’abord dit non, comme nous disons non des centaines de fois par jour sans trop réfléchir (fatigue, manque de temps, oubli…) puis, y réfléchissant à nouveau, on se reprend et change d’avis – on dit oui pour finir.
Le nombre de «non» qui ont éclos en «oui» après coup. Sans psychodrame, mais juste parce que j’ai re-réfléchis. Et ai conclu qu’après tout, je pouvais. Voire, je voulais.
Les publicains et les prostituées, quintessence pour la «bonne société» d’alors d’êtres abjects, qui ne cessent – et publiquement – de par leurs activités de dire non: à la Loi, au respect de soi, à la Vie telle que la conçoit et l’oriente la Bible – sont cités en exemples de personnes disant non PUIS oui, qui peuvent changer d’avis. Et surtout, des personnes qui peuvent être connectés… à la Parole de Dieu, véritable levier de nos conversions à tous les niveaux, avec une fraîcheur non encombrée de certitudes, de science et d’orgueil intellectuel du «moi-je-sais».
De fait, l’évangéliste précise: «Ils et elles ont cru à la parole de Jean-Baptiste.» Qui disait: «Repentez-vous, car le Royaume des cieux est proche… produisez du bon fruit sans vous octroyer un droit d’aînesse parce que vous êtes Juifs… Celui qui vient après moi vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu!» ( Mt 3, 2.9.11).
Publicains et prostituées y ont cru, au contraire des bien-pensants et des «tout-propre-comme-il-faut» devenus imperméables à l’Esprit Saint… Ils ont eu, ont et auront leur «temps de conversion», ces femmes et ces hommes dont nous pourrions désespérer parce que «hors critère» de l’Eglise, de la bonne société catholique, de sa mondanité (fustigerait le Pape François). Parce qu’ils et elles demeurent attentifs et attentives à la Parole de Dieu sans jamais en être blasé.e.s. Et qui se sentent interlocuteurs de Dieu qui leur est aussi adressée…
Méfions-nous de ne pas être dérangé.e.s, déplacé.e.s, remué.e.s par la Bonne Nouvelle. C’est le grand risque d’un locuteur d’un «oui» trop zélé !
Thierry Schelling