Quel choc: du «pain» qui est «mon corps»; du «vin» qui est «mon sang»… Qu’ont-ils compris?
D’autant plus que ce repas qui devait être le dernier pour eux tous sous cette forme, se modèle pleinement sur le seder de la Pâques: la commémoration du passage de la Mer rouge et de l’arrive en terre dite promise. Une grande fête, dont le rituel était donc connu au moins des apôtres juifs… Et pourtant.
Quel choc: Jésus «détourne» les paroles du rituel pour l’ancrer à jamais dans une universalité éclatante! Pain et vin appartiennent certes à la cuisine méditerranéenne mais sont transmissibles et transmuables dans toutes les cultures: manger et boire sont des actes universels. Vivre et mourir également… Mais célébrer le grand passage qu’est la mort, en ces termes, ça, non!
Il n’empêche, au cœur de ce texte, la notion de service est primordiale: service de la part des disciples pour préparer la Pâques; service entre amis – le propriétaire prête volontiers sa salle au 1er étage pour la fête –; service de table proprement dit: lisant la scène (la cène…), on voit bien Jésus agissant comme amphitryon en quelque sorte, car c’est lui qui donne à manger et à boire.
Et, subtilement, Jésus annonce que les gestes et les paroles vont s’accomplir dans son corps qui, mort, va devenir source de vie «pour la multitude». C’est ça la clef de lecture: les religions de l’époque assuraient quasi tout le monde du salut mais selon leurs rites, après leur initiation, et dans leur langue…
Jésus fait éclater le carquois de la religion pour offrir – pour ainsi dire – le chemin vers la vie éternelle à tout être vivant, ce que Saint Paul a bien compris quand il rappelle qu’il n’y a plus Grec et Romain, Juif et païen, homme et femme… C’est sa façon de comprendre et d’annoncer la pertinence du Christ pour chacun.e.
Quel choc cela a dû être pour ses proches… Les voilà mis au même rang que tous les autres, amis et ennemis, coreligionnaires et étrangers, riches et pauvres, esclaves et libres…
Nous rendons-nous compte que lorsque nous communion dans nos temples et nos églises, c’est pour faire (essayer au moins) communion avec tout être vivant? Et cela peut impliquer mourir et ressusciter, lâcher prise pour accueillir, aimer et être aimé.e…
Thierry Schelling