Pile ou face, pile et face !
A la question : Quel est le premier des commandements, Jésus aurait pu répondre par un commandement, le premier selon Lui. Ce qu’il fait, d’ailleurs. Mais il y ajoute aussitôt le second – ou, comme le dit le grec, l’autre de deux – qui (dans certaines traductions) lui est semblable !
Et de lier intrinsèquement le culte à Dieu avec l’amour du prochain. Dont l’amour de soi est le miroir ! Pourrait-on dire que le culte à Dieu, premier, engendre le « culte de l’Homme » ? Presque, avec la mesure nécessaire car dictateurs et tarés ont voué et promu des « cultes à l’Homme » selon leurs idéologies par trop malsaines…
Néanmoins : lorsque Dieu devient évanescent, ou sa foi chancelante ; lorsque de Dieu on attendrait une réponse claire, audible, et que rien ne semble venir ; lorsque prier Dieu tourne en rond, risquant un nombrilisme centripète manquant de respiration, voilà que Jésus ouvre l’issue pour aller de l’avant : l’amour du prochain.
Le service de l’autre est le service de l’Autre. L’amour du prochain est l’amour du Proche-Un…
Qui plus est, lorsque la demande – que formule un scribe, un expert de la Loi, donc qui cherche à Le piéger ! – parle d’un commandement, eh bien la réponse doit avoir un verbe à l’impératif ! Et le seul, dans la réponse de Jésus, est : Ecoute !
« akoue », en grec. Un verbe qui se précise par « apprendre par l’écoute ». Tout un programme pour des loquaces comme les docteurs de la Loi : palabres sur chaque mot, décorticages à foison des vocables, expressions, verbes, temps, etc. de la Torah, ce qui rend le génie hébreu enviable quant à l’approche des textes dits sacrés. Mais là, c’est sur un registre moins élitiste : l’écoute, que Jésus base tous les commandements, puisque que de ces deux-là, il n’y en a pas de plus grand…
Pile et face. Si donc ces deux commandements sont les deux côtés de l’amour – puisque le verbe aimer lie les deux –, peut-on interchanger et affirmer : Aimer son prochain, c’est aimer Dieu ? Aimer son prochain d’abord, ou quand même, c’est aimer Dieu ? Aimer son prochain le dimanche – s’occuper d’un parent malade, d’une aînée grabataire, d’un enfant malade, d’une conjointe en dépression…. ou être conducteur de transports publics, vendeur, vendeuse, guide touristique, etc. etc…. dans ces mille boulots dominicaux – c’est aimer Dieu ? Petite correction : ce scribe, que je catégorise peut-être un peu vite de « piégeur », n’est-il pas en recherche sincère, dans le fond, malgré ses connaissances et capacités à jongler avec la Torah ? N’a-t-il pas besoin d’un autre pour lui rendre un peu de souffle dans le foisonnement de son alphabet hébreu riche en graphes et phonèmes ? Peut-être… Jésus lui est si bienveillant : Tu n’es pas loin du royaume… Tu n’es pas loin de moi… De fait, le scribe était face à face avec Lui, pile face à face…
Thierry Schelling