L’Évangile a casa 142: Mc 12, 38-44

L’Évangile a casa 142: Mc 12, 38-44

Le Temple et le trésor. Deux entités ennemies ? Le culte et l’argent… pas vraiment ennemis dans l’histoire humaine… De faux amis : profiteurs mutuellement, trompeurs voire mortifères tour à tour, et donc si étroitement liés finalement…

Et Jésus se pose du côté du Temple face au Trésor. Comme s’il prenait place, ou position : la religion ne se mélange pas à l’argent. Il fouettera (foutra !) les marchands hors le Temple, justement, pour signifier Son rejet du lien intrinsèque tissé au cours des siècles entre ces deux-là. Et peut-être veut-il repositionner l’un par rapport à l’autre… D’ailleurs, Jésus ne fait aucun commentaire sur la religion et l’argent. Enfin, pas directement… Il se pose face à. Il observe.

Il contemple : il regarde comment la foule y met de l’argent. Etrange passe-temps. Mais instructif : les riches montrent qu’ils mettent beaucoup – et probablement avec ostentation, au moins due au cliquetis des pièces qui y chutent… Ils font du bruit de leur fortune. Se croient-ils lavés de leurs péchés ? Du moins sont-ils en règle avec Dieu, se disent-ils probablement. Immanquablement, l’équation « plus je donne, plus Dieu sera indulgent avec moi » s’insinue dans l’esprit du calculateur que peut devenir tout croyant…

Et Jésus va renverser les choses sans fouet, cette fois, mais par les mots : « Cette pauvre a mis plus que tous les autres. » Une déclaration coup de fouet… Car ce n’est pas la somme, la quantité, l’apparent, qui comptent, mais le « sans compter », « sans montrer » – Jésus l’appelle « indigence » ; on apprend même que c’est « tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. » Impressionnante, la confiance de cette anonyme au destin triste – être veuve était et reste compliqué.

Ils ont mis de leur superflu ; sans le savoir, ils ont littéralement jeté leur argent par les fenêtres, pourrait-on dire, leur démarche s’avère inutile aux yeux du Christ, ou en tous les cas si superficiels que ce « beaucoup de riches » se perd dans la mémoire des siècles. Elle, par contre, a mis son « tout-va », son essentiel, voire sa pauvreté et son veuvage, sous le regard du Christ : ses deux petites pièces de monnaie symboliseraient-elles ces deux pauvretés d’ailleurs ? Elle ose s’avancer, elle met sans bruit ce qu’elle peut, qui est tout. Mais elle ne jette pas sa cohérence : elle est pauvre et veuve, et néanmoins contribue au bien public ! De sa petitesse, elle enrichit qui sait regarder, et là, c’est Dieu-même qui la contemple !

Thierry Schelling