L’Évangile a casa 154: Lc 6, 17.20-26

L’Évangile a casa 154: Lc 6, 17.20-26

« Grand nombre de disciples », « grande multitude » du Proche-Orient, voilà les termes pour décrire l’auditoire de Jésus : le monde connu, en somme, et au-delà de Jérusalem, d’Israël (« Tyr et Sidon = Phénicie, littoral libanais) ; oui, comme si Luc, pensant toujours universel, décrit le monde en face à face avec Jésus – à noter que chez Matthieu, Il est sur la montagne (pour faire écho à Moïse et le Mont Horeb), alors que chez Luc, Jésus est « sur un terrain plat » où chacun.e est l’égal.e de celle ou celui qui est à côté d’elle, de lui.

Et Jésus lance : « Heureux » par quatre fois et « Quel malheur » par quatre fois également ! Là où Matthieu liste 8 béatitudes, Luc coupe la poire en deux : 4 béatitudes et 4 « malétitudes » ! A ce niveau-là également, Luc rassemble tout un chacun et s’adresse directement à elles et eux : « Vous ! Vous qui m’écoutez ! ». Et de décrire des aspects de son auditoire : il y a parmi « vous » des pauvres et des riches, des affamés et des repus, des tristes et des rieurs, des honnis et des « flagornés » !

Comme si pour chacune et chacun qui traversent ces expériences de vie et leurs émotions, il y a un message de Dieu ! Comme si, pour chacune et chacun qui expérimentent ces situations existentielles, il y a une invitation à y lire Dieu, pour avancer dans Son esprit en réorganisant toujours mieux ce que sont les « moyens pour vivre » d’avec le « but de sa vie »… Comme si chacune et chacun qui se reconnaissent dans telle ou telle « catégorie » listée par le Christ, il y a une promesse résumable en « après la pluie, le beau temps » et, inversement proportionnel, « après le soleil, une averse »… E la vita è bella !

La (fausse) religion ne consiste pas à prier Dieu pour se voir épargner les malheurs et négocier avec Lui pour optimiser chances ou bonheurs ; la (vraie) religion, c’est-à-dire le nouveau mode de se relier à Dieu, aux autres et à soi-même incarné par le Christ, c’est de « tout vivre comme si tout dépendait de Dieu et rien de moi, et de tout faire comme si tout dépendait de moi et rien de Dieu. » En trouver le juste milieu. En toutes choses.

Ce sermon dans la plaine est le prélude à des pages tonitruantes qui sont toujours dans ce discours : « Aimez vos ennemis ! », « Bénissez ceux qui vous maudissent ! », « Aimez vos ennemis ! » (par deux fois !), « Ne jugez pas ! »… bref, un programme de vie mirobolant, renversant, énervant aussi, tellement il me semble que l’on peut facilement s’embourber dans des peccadilles et des futilités entre nous, humains, paroissien.ne.s, leaders, croyant.e.s… Or, c’est ça, la Résurrection dans ma vie, ce chamboulement, cette conversion. Et Jésus – par le génie littéraire de Luc – de conclure cet Appel « dans la plaine » : « Pourquoi m’appelez-vous Seigneur et ne faites-vous pas ce que je dis ? » Tout est là. Du coup, la question, c’est bien, comme le chante ABBA : « Mais la question, c’est voulez-vous ? » Oui, veut-on se laisser évangéliser foncièrement ?

Thierry Schelling