Les trois tentations très imagées et presque vivantes, voire vivaces, dans le récit de Luc, nous rappellent que nous aussi, « filles et fils de Dieu », nous sommes appelés au même « combat »… Et c’est bien normal, car il s’agit, de la part du diable, de titiller aux trois nervures par trop humaines qui peuvent caractériser la religion : la magie, le pouvoir et la manipulation.
La religion comme magie : faire de ces pierres des pains, pour assouvir sa faim. Dépenser énergie, sous et prières verbeuses pour que la paix vienne, la famine cesse, le beau temps règne partout sur la planète… En réalité, Dieu n’est ni apothicaire ni prestidigitateur mais coach, voire pédagogue, et donc marche avec les estropiés, les boiteux, les unijambistes, voire les sans-jambe ». Sans leur promettre que de tels aléas ne se reproduiront pas, et de fait… MAIS Jésus a révélé un Dieu-avec-nous par amour inconditionnel, et uniquement par amour inconditionnel. C’est ce type-là de relation – religion ! – que la chrétienne ou le chrétien est appelé.e à découvrir toujours plus dans sa vie. Rien de magique chez Dieu…
La religion comme pouvoir : régir le monde, les autres, sa communauté, ses proches, la tentation peut être au coin de rue quand on regarde la hiérarchie catholique – pape, cardinal, archevêque, évêque, curé… et on ne parle que du clergé ! – ou brandir la Bible pour justifier l’esclavage, la misogynie, l’homophobie, le racisme, etc., cela a été fait, risque d’être refait, et donc, vigilance ! Un Christ qui lave les pieds de ses disciples n’est pas un énième spectacle liturgique pour un Jeudi Saint qui ouvre les vacances de Pâques… C’est un mode d’agir de Dieu : Dieu me lave les pieds même si je peux L’écraser ensuite avec ces mêmes pieds… Un Christ crucifié, c’est le chemin que Dieu a emprunté, et donc propose, comme mode de gouvernement… Trop rude à saisir en une fois, il convient de mûrir la proposition divine au gré de nos expériences humaines de gestion de soi, des autres et même de Dieu ! Rien de puissant chez Dieu…
La religion comme manipulation : citer des versets bibliques pour enfoncer l’autre, catégoriser, cataloguer, dénaturer, voire déposséder de ce que l’autre a d’aussi grand que moi, sa conscience. C’est l’épisode de la femme adultère : au nom de la Loi, elle ne mérite que la lapidation. Pourquoi tergiverser, même si l’homme, lui, d’en est échappé. Mais Christ réoriente la Loi de Dieu en commençant non pas à partir des Ecritures mais à partir de la conscience des accusateurs…qui s’avouent finalement accusés, presque « auto-accusés »… Oui, le shabbat est fait pour l’homme, et non l’inverse, « et le Fils de l’homme est maître y compris du shabbat » ! En ce premier dimanche de Carême, puis-je relire mon mode de relation à Dieu et y détecter l’un ou l’autre de ces déséquilibres appelés « tentations » ? Afin de me réorienter : d’une conception magique à une relation amoureuse gratuite ; d’une conception de domination à une envie de service gratuit ; d’une conception de manipulation à une approche adulte de la Parole qui passe par ma propre conscience à éduquer… Beau programme et il faut bien quarante jours pour y arriver ! Y arriver ?
Thierry Schelling