Changement ! Changement d’aspect du visage et de couleur de vêtements… Un, enfin, deux effets de la prière de Jésus sur sa personne, nous relate Luc.
La prière transfigure. Mais que dit-Il exactement pour vivre ces changements ? On ne le saura jamais. N’empêche, il irradie quelque chose de lumineux. Et de visible. Est-ce que ma prière me change à ce niveau-là ?
Quelques caractéristiques de la prière sont à noter : le groupe – « il prend avec lui Pierre, Jean et Jacques » – le déplacement – « il gravit la montagne » – qui n’est pas juste un pas de côté, mais plein de pas qui montent… Et un but : pour prier.
Si on ne sait pas exactement ce qui s’est dit, voilà que Luc développe le récit : « voici que deux hommes s’entretenaient avec lui », et on apprend qu’il s’agit du « mastodonte de la Loi », Moïse, et du prophète « immortel », Elie (« immortel » car il a disparu dans les nuées en prompt cavalier, nous dit l’Ecriture). Les deux pôles, pour ainsi dire, de l’être Israélite : la Torah et les porte-paroles authentiques de Yahvé. Eux sont dans la gloire – morts et vivants tout à la fois, morts aux yeux terrestres et vivants aux yeux des croyants.
Et Luc dévoile même le contenu de leur entretien : le départ de Jésus de Jérusalem – sa mort, et sa résurrection, en somme. Le paradoxe, c’est que les écoutants que devraient être les trois compagnons de cordée, sont « accablés de sommeil ». Ce n’est donc pas l’écoute, leur sens le plus éveillé à ce moment-là, mais leur vue : « Ils virent la gloire de Jésus et les deux hommes… » Une vision, en somme. Du fond de leur accablement ensommeillé ? Sera-ce crédible ? D’où, peut-être, la précision finale : ils gardèrent le silence.
Et la prière dans tout ça ? Elle est ce que le Christ nous dévoile lumineusement : déplacement, effort, écoute et vue (c’est selon !), dialogue avec l’Ecriture et l’effet est « qu’il est bon d’être là ! » Non sans risque : « nuée, frayeur, ombre qui couvre… » Des échos aux premiers éléments de la création et de la re-création avec Noé… ; des échos aussi avec des éléments du baptême de Jésus, une autre forme de création nouvelle. Et à chaque fois, dans le Livre de la Genèse comme au Baptême du Christ, la voix qui génère de la vie, de la lumière ; la voix qui est performatrice, qui dit ce qu’elle fait ; la voix qui surprend, fait peur même, si tant est qu’on ait peur de Dieu, mais dont l’effet final est : « Qu’il est bon d’être là ! »
La prière dans l’esprit du Christ est toujours (re)créatrice, récréatrice, et peut déboucher, graduellement, sur plus de silence, d’absence de mots de notre part. Pour vivre cet impératif : « Ecoutez-le ! ».
Oui, la prière n’est-elle pas en fait écoute ? Comme quand on arrive au sommet d’une montagne : plus besoin de dire, mais juste de voir, d’admirer, et de se réjouir aussi. Car une bonne prière fait toujours du bien : sinon, à moi d’en changer !
Thierry Schelling