Deux parties dans cet Evangile : les minutes d’événements tristes et une parabole. On sent le patchwork. L’auteur les fait se suivre pour nous aider à réfléchir à ce qu’elles ont en commun…
« Un jour, des gens rapportèrent à Jésus… » On dirait une histoire de bistro, un potin local, certes dramatique, mais bon, « rubrique des chiens écrasés » comme on aurait dit jadis ! Et Jésus de doubler la mise en citant un second exemple de cet acabit : une tour écrase 18 personnes !
Subtilement, Luc nous montre que pour les rapporteurs, le drame, c’est le sang mêlé ! Ce n’est pas l’incident en tant que tel, mais bien cette mise en danger quant à la pureté, et même au-delà de la mort ! Est-ce un coup du sort ? Le méritent-ils vraiment ? Le fait que l’on se pose la question devrait laisser à désirer. Oui, Dieu gouverne tout, du moins le croit-on ainsi. Donc, il doit y avoir une raison à cette finale si injuste, si salissante… Mais Jésus répond catégoriquement : NON ! Et il se saisit de cette anecdote macabre où les rapporteurs ont placé le curseur au mauvais endroit, pour les menacer EUX s’ils ne changent pas de lecture des événements et se convertissent à Sa Parole ! Pédagogie d’antan…
Au moins Jésus évacue l’idée que Dieu « veut la mort du pécheur » : PAS DU TOUT ! Pourquoi continuons-nous donc à chercher un « mektoub » ou un « C’était son heure » devant un drame dont l’aspect inopiné, incontrôlable, inexplicable ne devrait requérir de nous que … du silence, et la conversion au Dieu que Jésus révèle, un Dieu pour la vie, toujours !
Quant à la parabole, elle est pleine d’espoir. Elle répond en quelque sorte aux deux anecdotes, en donnant la patience et l’espérance comme vertus d’analyse du monde et de l’autre. Au lieu de tomber dans le fatalisme, le pessimisme, la résignation.
Là où j’arracherais, Dieu donne encore une chance ! Là où je couperais, Dieu espère encore un tour ! Incroyable ! Le Dieu de Jésus n’est pas un marionnettiste manipulateur mais un être confiant en la capacité de grandir quand même et malgré la stérilité ! Un Dieu si puissant de croire que c’est encore possible malgré tout !Non sans effort cependant : bêcher et mettre du fumier.
Dieu bêche et met du fumier dans nos sécheresses, aridités, infécondités, infertilités : en remuant le fond (le bêchage), parfois en vivant comme nous l’absurdité d’un drame apparemment injuste mais qui peut nous conduire à la conversion, fondement de l’appel premier du Christ. Et Dieu met du fumier : Sa parole encercle le pied du figuier…tout un poème ! Et qu’il est beau de finir avec un divin « peut-être »…. Oui. A l’heure du calibrage pour tout, du métrage de tout, de l’estimation de tout, Dieu aussi vit par des « peut-être » en s’engageant à 100% sans (s’)assurer un résultat. Oui, Dieu s’implique complètement mais pas comme tout-puissant, plutôt comme puissant en tout, même la mort ! Et il vaudrait mieux se convertir à cette idée !
Thierry Schelling