Scène à la croix. Mise en scène, presque ; comme une pièce de théâtre : décor, acteurs, dialogues… Comme il s’agit d’un extrait, on est un peu frustré car manquent le début et la fin de la « pièce »…
Concentrons-nous sur les paroles de Jésus : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui, avec moi, tu seras au paradis. »
Aujourd’hui… C’était déjà « aujourd’hui », dans la synagogue de Capharnaüm, que Jésus annonçait l’accomplissement de la lecture d’Isaïe. Ainsi, chez Luc, du début – car cet épisode-ci est reporté au chapitre 4, verset 21 – à la fin de son œuvre – la crucifixion –, il y a un « aujourd’hui » quand Jésus est là.
Un aujourd’hui de son salut. Le verbe « sauver » conjugué à plusieurs temps dans cette péricope, revient quatre fois. Dans la bouche des chefs, des soldats et de l’un des malfaiteurs.
Et Jésus y répond, en somme : « Aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis. » Comme si « sauver » signifiait « même mort, tu vivras avec moi » ; comme si « sauver » voulait dire « sauver du néant de la mort » vers la vie « avec moi ».
Car pour l’autre malfaiteur, Jésus se souvenant de lui une fois entré dans Son royaume, affirme, à sa façon, sa foi. Sa vie terrestre est clouée, sans possibilité de mouvement, de gestes, d’espaces, de lendemain : il va mourir et selon lui, la peine encourue est juste. Donc, il va mourir selon la justice. Mais…il a entendu les échanges. Il a encore une once d’espérance… de vivre ailleurs, autrement. Mais surtout, avec Jésus. Absolu dernier recours, en quelque sorte, car rien d’autre ne lui est envisageable. Si ce n’est après son ultime râle ; et Dieu l’y attend. Mieux : Jésus sera avec lui.
Le Royaume est « parmi vous », ou, plus exactement, « en vous », voilà la grande annonce de Jésus au travers des Evangiles. Mais ce « royaume intérieur », contraire à celui attendu, extérieur, politique, militaire, en concurrence avec les Empires romain ou perse, est déjà présent « aujourd’hui ». Calomnies, tentations d’user de Ses « pouvoirs », mise à l’épreuve… Cela fait une fois encore écho au début de l’évangile de Luc, chapitre 4, les versets1 à 13, où le diable tente Jésus avec des « si ». Une fois encore, Luc joue au « dyptique » : chapitre 4 en écho à chapitre 23, ou la « préparation » du Messie (annonce, naissance, tentation) et le « triomphe » complètement à l’envers des attentes selon une lecture des textes bibliques. Et la boucle est bouclée. Sans jamais se refermer, sans jamais exclure, sans jamais condamner. Mais en… sauvant aujourd’hui quiconque se tourne vers le Crucifié pour Lui demander de « se souvenir de moi »…
Thierry Schelling
