L’Évangile a casa 69: Luc 17, 11-19

L’Évangile a casa 69: Luc 17, 11-19

Jésus, l’homme des frontières… «Il marche entre la Samarie et la Galilée». Il est … à cheval, en quelque sorte, entre deux contrées qui se «désapprécient»: différends culturels, historiques, religieux, et sûrement – même si plus trivialement! – culinairement: Samarie et Galilée… Désunies, parallèles, sans se croiser…

Qui plus est: le lépreux est l’ostracisé par excellence. L’intouchable, le banni. Le mis-en-marge de la société, de la famille, de la vie civile et religieuse. On est dans un no man’s land, sans loi ni religion puisque ces deux instances sociétales les rejettent.

Et Jésus est là: Il marche, Il se tient droit, Il ne se cache pas ni ne prend de précautions. Il entre même chez autrui: «dans un village». Un village de lépreux? Summum de l’interdit religio-médical! Et rencontre il y a. Le cœur de l’évangile – et de l’Evangile (à méditer la différence entre un e et un E 😉) –, ce sont bien les rencontres de Jésus avec des personnes bien «ciblées»: pour enseigner à son auditoire le chemin à prendre, tout comme pour annoncer aux rencontré.e.s la Bonne Nouvelle (guérison, ressuscitation, réincorporation sociale, etc.).

Les lépreux suivent les règles: «à distance», ils L’interpellent; et ils «se» résument: «Prends pitié de nous!» Aucune revendication si ce n’est la miséricorde de Dieu, voilà tout ce qu’ils cherchent… La compassion de cet homme dont ils ont dû entendre parler, évidemment. Ou pas, mais dont ils voient le courage de passer le seuil de leur village banni puisque contaminé de leur infâme maladie de peau.

Oui, Jésus ne s’en tient pas derrière les «seuils de tolérance», les «délimitations de l’acceptable», les «limites du tolérables»: Il les outrepasse, littéralement, Il rencontre (et se laisse rencontrer…), et Il sauve, guérit, ressuscite, réoriente, fait sortir du cul-de-sac…

Il permet qu’au moins un des guéris vive un va-et-vient salutaire: il retrouve sa mobilité, sa liberté de mouvement, et d’action, et choisit la gratitude et la louange comme PREMIER réflexe de sa nouvelle vie grâce à Dieu. Non pas même d’«aller se montrer aux prêtres», selon l’ordre de Jésus – ce serait le réflexe «horizontal» de l’expérience religieuse, se tourner vers les doctes, le clergé, l’establishment – mais il opte pour le réflexe vertical de l’expérience religieuse: la gratitude et la louange à Dieu!

Il demeure humble car il est à genoux: «Relève-toi», lui dit Jésus. Gratitude, louange et humilité, sans rappeler la concision de sa prière initiale: «Prends pitié de moi». Quant à sa louange – revenu sur ses pas pour «rendre gloire à Dieu» –, on en ignore le contenu. Elle devait être audible puisque Jésus la détermine comme «louange». Mais on ne nous rapporte pas les paroles… Car l’actualisable de notre foi n’est pas la répétition de formules anciennes, mais bien l’ex-pression ici et maintenant de ce qui anime le cœur de celle ou celui qui est touché – rencontré – par Jésus…

Thierry Schelling