L’Évangile a casa 84: Matthieu 5, 38-48

L’Évangile a casa 84: Matthieu 5, 38-48

Œil pour oeil, dent pour dent. Qui ne pense pas ainsi? Qui n’agit pas ainsi, au moins une fois dans sa vie… répondre de but en blanc, rendre la monnaie de sa pièce, les expressions sont nombreuses pour décrire le comportement humain «normal».

Normal? Spontané, en tous les cas. La nature n’aimant pas le vide, la contrariété, et l’humain n’appréciant guère d’avoir tort, d’être rabaissé, humilié, «désapprécié», un na! appelle une claque, un coup, un autre coup… et cela engendre une spirale infernale, dans le fond.

Or, Jésus, l’humain parfait, n’a pas été exempt de ces sentiments: Il a goûté à l’inanité de cette vrille mortifère, sans y céder. Il en a d’ailleurs été victime… Mais Il a probablement médité sur l’histoire de son peuple, de sa famille, sur les mythes fondateurs de sa nation, pour y déceler le grain de sable qui enraie toute la machine: le tac au tac…

Venu révéler le «fond du vrai Dieu», qui est amour absolu, Il a dit et démontré en actes combien il existait une autre voie opposée à la mathématique de la revanche. Et la synthétisé en cet impossible «amour de l’ennemi» – un oxymore, c’est-à-dire deux termes que tout oppose…

Et pourtant. Jésus pointe deux raisons (au moins) de tenter cette méthode: la première, c’est la gratuité de nos actes, la gratuité qui surpasse la générosité en cela qu’elle n’appelle aucun retour, remerciement, aucune reconnaissance ni récompense: elle n’a de vertu que d’avoir été posée, vécue. La gratuité, c’est faire deux mille pas à qui veut en faire mille, c’est donner à qui demande – sans autre raison ni raisonnement…

La seconde, c’est un rappel fondamental: aucun être humain n’est supérieur à un autre… du moins aux yeux de Dieu. Soleil, pluie, chaud, froid, touchent toute l’humanité… C’est un fait: malgré les apparences trompeuses qui voudraient catégoriser l’humain en mille et un compartiments – pouvoir d’achat, possessions, qualités intellectuelles, capacités physiques, réussite notoire, etc. –, RIEN ne saurait me distinguer de ma voisine, de mon voisin fondamentalement: lorsqu’il pleut, tout le monde est mouillé… Pour Dieu, la perfection vers laquelle tendre n’a rien à voir avec la morale: la perfection, comme le Christ nous le répète, c’est la co-hé-ren-ce entre ce que l’on dit et ce que l’on fait, au jour le jour, en relisant au tamis de l’Evangile le «taux» de gratuité mis dans nos actes et paroles, silences et présences, ainsi que le traitement d’autrui d’absolument égal à absolument égal… aux yeux du Dieu que j’aime, je loue et je sers…

Thierry Schelling