L’Évangile a casa 90: Passion du Christ

L’Évangile a casa 90: Passion du Christ

Le grand récit de la Passion, mort et mise au tombeau du Christ. Selon Saint Matthieu. Que Bach a mis en musique de manière admirable (pour qui aime le baroque). En musique, les longueurs ne sont que des occasions pour nous envelopper de leur harmonie et nous inviter dans le récit, à prendre place.

Le long récit de la descente aux enfers de Jésus: trahi, abandonné, outragé, accusé, maltraité, assassiné… alors qu’il est innocent des crimes qu’on lui reproche. Mais «coupable» d’avoir dit vrai, d’avoir outrepassé des préceptes de la Loi, d’avoir touché les intouchables, aimé les «inaimables», invité les ostracisés, valorisé les «tenus-pour-nuls»… En annonçant le paradis sur terre pour eux, pour elles, il s’est vu précipité dans la géhenne par la haine, la rage, la jalousie, l’obscurantisme religieux de ses pairs.

Le fort récit du triomphe de Dieu à l’envers du bon sens: entrée dans la capitale sur… un âne, invitation au seder chez un anonyme, cène sans femme ni enfants, refus net du combat d’égal à égal, lâcher-prise total devant une poignée de soldats, silence absolu (ou presque) devant les autorités politiques et religieuses, dénuement au propre comme au figuré, suffocation en public, pas de riposte aux invectives, expiration dans le désespoir (Pourquoi m’as-tu abandonné?), corps froid et lourd déposé sous scellés. Oui, tout à l’envers du bon sens, mais tellement dans le vrai sens «selon les Ecritures». A toujours méditer pour être pris par elles, plutôt que les comprendre…

Le consolant récit du langage par le regard: Jésus voit la foule et ses hosanna, observe chaque apôtre autour de la table, plonge son regard dans celui de Pierre, de Jean, de Judas…, perçoit la furie de ses ennemis, croise les larmes des pleureuses, voire de Marie, contemple le monde de haut, lève son dernier battement de cil vers Son Père, puis clos ses yeux avant le troisième jour, où éclatera la lumière qui n’aveugle pas, la vérité qui ne blesse pas, la vie qui ne finit pas. Ce récit est à la fois catéchèse et credo, apocalyptique et créateur, sanguinolant et cajolant, insolent et apaisant… Glissons-nous-y. Comme dans une cuticule (à vos dicos !) pour y vivre la métamorphose, telle la chrysalide…

Thierry Schelling