L’Évangile a casa 94: Jean 20, 19-23

L’Évangile a casa 94: Jean 20, 19-23

La paix, la joie, l’envoi… Et LE cadeau: l’Esprit Saint soufflé sur eux.

Comme quand on souffle sur une écorchure au genou de son bambin tombé de sa trottinette, comme quand on souffle sur sa cuillère pour tiédir un peu la soupe, comme quand un ou une amoureux/-se souffle sur son ou sa bien-aimé.e pour l’éveiller au petit matin, comme sur des braises pour faire repartir la flamme, puis le feu…

Après les tumultes dus à la mort atroce et déchirante de Jésus sur la croix, après l’amer repentir des apôtres – de tous les apôtres ! – d’avoir trahi par couardise, peur pour sa peau ou pleutrerie, après l’annonce par des femmes qu’ «Il est vivant», il fallait bien un geste de Sa part pour apaiser, rasséréner, calmer les cœurs, les esprits et les corps. Et refaire corps de ses disciples dispersés mentalement – refaire Son Corps à partir de Ses témoins…

Et c’est le souffle, cette intime part de soi qui peut sentir le relent comme être aromatisé, que Jésus offre à ses proches, qui sont ses amis. Mais pas pour se gausser d’avoir échappé au Jugement (pour trahison!) mais bien pour la mission…

Avec – chez Jean – une tâche principale: délier, dénouer, délivrer, libérer, de par la parole, les péchés d’autrui. A la fois consolant – nous sommes gratifiés du «pouvoir» de désenchaîner – et à la fois interpelant: pourquoi seul le clergé s’est abrogé ce «privilège» que Christ donne à tous les «disciples», précise Jean (pas juste les apôtres…)?

Oui, notre mission consiste à «aller», c’est-à-dire à sortir de chez soi et à se promener parmi la variété des vies humaines qui nous entourent, en y insufflant à notre tour l’esprit du Christ: paix, joie et… délivrance!

Mais il y a une condition reprise par l’énigmatique: «maintenir à qui ils seront maintenus»; cela peut effrayer, non? Mais n’est-ce pas le fameux «péché contre l’esprit saint» qui est déclaré chez les trois évangélistes synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) comme «non pardonnable»? Du coup, la condition de notre ministère de baptisé.e n’est-il pas d’entrer en dialogue, à la rencontre, à l’échange… et de laisser libre le vis-à-vis d’y répondre pareillement…ou pas? On en rencontre, des personnes qui crèvent d’envie d’être allégées de leur fardeau mais qui s’y noient par entêtement, culpabilité, psychorigidité… et ce, malgré le témoignage, la présence, le soutien – pour ne pas dire l’amitié! – que nous pourrions leur partager.

Oui, la libération promise et que nous sommes appelé.e.s à (faire) vivre, elle nous concerne aussi: libres d’agir et de laisser faire; libre de dire et de laisser dire; libre d’aimer et de laisser aimer… ou pas. «Faire comme si tout dépendait de moi et rien de Dieu, et vivre tout comme si tout dépendait de Dieu et rien de moi», rappelle l’adage ignatien…

Thierry Schelling